Il y a 5 ans à Nice, le week-end précédant Noël, le doyen de la faculté de médecine de l’Université de Nice Sophia Antipolis Patrick Baqué, recevait dans son bureau, Eric Balez, reconnu en tant que « patient intervenant ETP » pour son action dans l’éducation thérapeutique du patient (ETP), Jean-Michel Benattar, médecin gastro-entérologue fondateur de l’université citoyenne en santé « Maison de la Médecine et de la Culture » (MMC), et l’auteur de ce billet, Luigi Flora, un patient chercheur coconcepteur du modèle de Montréal portant sur le partenariat de soin avec le patient. Alors que le Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public (Ci3P), une nouvelle entité de cette faculté de médecine clôt sa première année pleine d’activité. Ce billet traite de ce premier rendez-vous et de ce à quoi il a donné lieu, « un espace de transformation qui permet la transformation de différents espaces ».
Il y a tout juste 5 ans ce WE, du fait de l’invitation du doyen, le professeur Patrick Baqué, dans un des amphithéâtres de la faculté de médecine qu’il préside, une séance d’éducation populaire sur la santé était organisée par l’association citoyenne « Maison de la Médecine et la Culture » (MMC) sur le thème « prendre soin à l’heure des techno-sciences, et ainsi un virage, avec ses nombreuses conséquences, s’est initié.
Ce samedi donc, le doyen était venu introduire cette rencontre-ciné-débat avant certainement de réaliser ses derniers achats de Noël mais la présence d’un amphithéâtre habituellement de plus en plus déserté d’étudiants et ce jour-là complètement occupé avec des personnes sur les marches d’escalier, celle des différents intervenants l’ont incité à participer à la projection du documentaire de Philippe Borrel, un monde sans humains ? et aux débats jusqu’à sa clôture.
C’est à cette occasion que s’organisa un premier rendez-vous avec le doyen et que fut questionnée la place des patients dans les facultés de médecine et plus précisément dans celle-ci où était organisé un événement s’ouvrant à la population niçoise.
C’est à partir de ce rendez-vous, que d’autres s’organisèrent dont l’un d’entre eux avec Vincent Dumez, le premier patient engagé en tant que tel dans une faculté de médecine au Canada quelques années auparavant.
Au fil des échanges et des difficultés tant administratives que de représentations de l’environnement, c’est-à-dire de l’univers académique, Patrick Baqué, ne trouvant pas l’ouverture lui permettant de tenter de transposer l’expérience de Montréal communiquée successivement par l’auteur de ce billet, concepteur avec Vincent Dumez de ce que les voisins américains (aux USA) en 2014 nomment the Montréal Model (Fulmer & Gaines, 2014) [1], puis de ce dernier lors d’une rencontre organisée dans un second temps, réunit Jean-Michel Benattar et l’auteur de ce billet en leur proposant de commencer par proposer un diplôme universitaire intégrant des patients au sein même de la faculté de médecine.
En sortant de cet entretien nous étions circonspects sur cette perspective, mais conscients des efforts consentis du doyen et respectueux de sa volonté. Nous avons rapidement décidé de reprendre la structure de ce que proposait depuis le début 2015 l’association citoyenne et d’y ajouter une strate. En effet, si les rencontres-ciné-débats proposent régulièrement de permette une réflexion et par cela même une sensibilisation sur les sujets de santé, le soin et l’exercice médical comme paramédical par l’art et donc le sensible, la formation, qui réunira la même diversité de public, proposera de pousser un cran plus loin en agissant, en passant à la pratique et c’est ainsi qu’une fois le processus administratif finalisé, fut lancée en janvier 2018, lors de l’année académique 2017-2018, la première promotion de cette formation.
Cette année 2018 fut dense et en parallèle de cette formation et dans le même temps en son sein puisque les étudiants furent invités à y participer dans le cadre de l’un de leur modules de formation, fut initié un partenariat avec une professeure de littérature de l’université de Lisbonne au Portugal à partir de l’approche développée à l’université de Columbia à New-York par Rita Charon, la médecine narrative (2006) [2]. Maria Jesus Cabral développe cette approche en Europe à partir d’une chaire d’humanité médicale issue de son université de rattachement. Cette première collaboration a depuis été renouvelée avec la MMC et la faculté de médecine puis actuellement bien que l’événement de 2020 ait été reporté en conséquence de la pandémie avec le Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public qui n’existait alors pas encore. Un livre prolonge d’ailleurs cette collaboration (Cabral, Mamzer, 2019) [3].
Une année 2018 qui se conclut d’ailleurs par la remise du prix de l’innovation pédagogique en formation tout au long de la vie par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est à cette remise de prix que fut reformulée par le professeur de médecine générale David Darmon à qui avait été donné par le doyen la responsabilité de diriger académiquement le DU devenu Art du Soin en partenariat avec le patient, l’ambition de l’équipe pédagogique et de la faculté de médecine d’ouvrir un bureau dans une transposition de l’expérience réussie de Montréal qui plus est avec l’un de ces participants initiateurs.
C’est de cette déclaration d’une part et de la légitimité régionale de l’action menée par l’association citoyenne que se sont prolongés des échanges avec des équipes du ministère et que des contacts furent initiés sur ce sujet avec l’Agence Régionale Provence Alpes Côte d’Azur (ARS-PACA).
Entre-temps, le Département d’Enseignement et de Recherche de Médecine Générale (DERMG) avait déjà intégré un système de validation évaluative dans leur curriculum de spécialité médicale la participation aux évènements citoyens proposés par la MMC à travers les heures complémentaires attribuées. Une autre faculté de l’université initia à travers une collaboration interuniversitaire grâce à l’anthropologue Arnaud Halloy, devenu depuis 2019 membre de l’équipe pédagogique du DU, l’organisation d’un colloque sur les savoirs expérientiels qui eu lieu à l’université de Lorraine à Metz en 2016.
Un axe de recherche prolongé par un ouvrage collectif publié en cette fin d’année 2020 (Simon, Arborio, Halloy, Hejoaka, 2020)[4].
Ce sont cependant les échanges institutionnels qui, alors que la formation à l’art du soin en partenariat entame en cette fin 2020 son quatrième cycle pédagogique, qui permirent de répondre à l’ambition tant du doyen que des membres présents à ce premier échange il y a 5 ans ce WE précédant Noêl.
L’ARS PACA décida début 2019 d’amorcer un financement pour permettre au Ci3P d’accomplir ses missions dans l’enseignement, les milieux de soin et la recherche avec la participation de patients et de citoyens. Le temps administratif passé, le Ci3P a pu initier son action en 2019 après avoir tout de même initié avant financement un cycle de colloque par l’organisation du 1er colloque international sur le partenariat de soin avec le patient en France à Nice à l’automne. Un colloque qui se conclut par la constitution d’une association de fait : l’alliance sans frontières pour le partenariat de soin avec le patient, avec un second colloque prévu à Toulouse en 2020, colloque reporté du fait de la pandémie actuelle à 2021. D’autre part, le doyen invita le premier patient formateur mobilisé dans le cadre de ce qui est intitulé la clinique du galet, un atelier consacré à la clinique à destination des étudiants de médecine d’externat et d’internat situé au Galet (Chansou, Benattar, 2020) [5], l’amphithéâtre du CHU de Nice, à présenter son expérience transposée pour partie dans un film qu’il a lui même réalisé, Charly est vivant, lors de la leçon inaugurale de la faculté de médecine du même automne 2019.
2020 a ainsi été l’occasion pour le Ci3P d’initier des propositions pédagogiques auprès des étudiants en médecine de la faculté de médecine de ce qui est devenu l’Université Côte d’azur, auprès d’étudiants de la 2ème, 3ème, 4ème, 5ème année, en internat d’hématologie et en 8ème année de médecine générale, dont certains enseignements ont été donnés en sensibilisation à la collaboration interprofessionnelle avec le patient par la présence d’étudiant.e.s infirmier.e.s. Ce sont ainsi 759 étudiants en médecine qui ont bénéficié de plus de 2 700 heures avec des patients formateurs.
Des patients partenaires du Ci3P ont été impliqués dans la recherche dont l’une, dans le cadre d’une thèse a permis une implication dans les questionnaires de recherche, les entretiens et jusque la participation à un patient comme membre du jury de soutenance au cours de cette année. Par ailleurs dans ce domaine, deux équipes de recherche interdisciplinaires en partenariat avec le.s patient.s ont vu le jour, l’unité RETInES (Risques, Epidémiologie, Territoire, Information, Education Santé) et le groupe CHER-PA (chercheurs-patients) qui lui fait partie du laboratoire d’anthropologie et de psychologie clinique, cognitive et sociale, le LAPCOS. Une seconde équipe qui a publié un article sur la première période de confinement en conséquence de la pandémie (Faure et al, 2020) [6].
Et en ce mois de décembre, le Ci3P s’est associé au Centre de Recherche Juridique de l’Université Paris 8 (CRJP8) pour lancer, à travers un premier colloque international organisé le 4 décembre dernier un axe de recherche en droit et sciences politique sur la place du patient au 21ème siècle, à l’ère du partenariat.
Une première rencontre qui a vu plus de 150 inscrits et participants se concentrer sur une journée en ligne et dont déjà quelques étudiants de l’université Paris 8-Paris Lumières et des étudiantes de sciences po Paris sont entrés en lien avec le Ci3P pour participer à la recherche dont une recherche Européenne menée durant 3 ans avec des équipes universitaires de quatre états membres de l’Union Européenne (Allemagne, Belgique, France, Luxembourg) qui ont émis comme première recommandation de
« Repenser, à la lueur de la notion de partenariat, les textes législatifs sur les droits du patient et encourager la recherche d’une harmonisation en ce qui concerne leur intention »
CONCLUSION ET OUVERTURE AUX POSSIBLES
Voici ce qui 5 ans après, et en 5 ans a été accompli. L’auteur en remercie en cela tous les acteurs cités, l’ensemble des membres de la Maison de la Médecine et de la Culture (MMC) et plus particulièrement Richard Desserme, pour ce qui a pris forme à partir d’un projet utopique, pensé il y a plus d’une quinzaine d’année. Un projet qui a commencé à se transformer en une réalité il y a dix ans cet automne (en septembre 2010) depuis le Québec. Un projet qui a rejoint une autre utopie transformée en réalité également de la baie des anges pour se réorganiser par une greffe réussie dans les actions présentées qui comme vous pouvez le constater, avant interprétation semble organiser la vie dans un Art du soin, en partenariat avec patients et citoyens selon une dynamique entropique.
De fait,5 ans après, depuis 5 le partenariat patient à Nice s’est mué en un renouvellement d’un partenariat à partir de Nice.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] Fulmer, T & Gaines M., (Dir.) (2014) Partnering with Patients, Families, and Communities to Link Interprofessional Practice and Education. Proceedings of a conference sponsored by the Josiah Macy Jr. Foundation in April 2014; New York: Josiah Macy Jr. Foundation.
[2] Charon R. (2015), Médecine narrative : Rendre hommage aux histoires de maladies, (Traduit de l’ouvrage anglais publié à Oxford University press en 2006), Paris : Sipayat.
[3] Cabral M. J., Mamzer M.-F. (Ddir.), (2019). Médecins, soignants osons la littérature : un laboratoire virtuel pour la réflexion éthique. éditions Sipayat.
[4] Simon E., Arborio S., Halloy A. , Hejoaka F. (Dir.), (2020). Les savoirs expérientiels : fondements épistémologiques et enjeux identitaires. Presses universitaires de Nancy, Université de Lorraine.
[5] Chansou T., Benattar J.-M. (2020). « Enseigner l’exercice médical par l’art et les savoirs expérientiels avec la participation des patients ». La revue sur le partenariat de soin avec le patient : Analyses, N°1, pp. 30-48.
[6] Faure S., Halloy A., Karcher B., Flora L., Colazzo G., Barbaroux A., Balez E., Bonardi C.(2020). « Polyphonies sur les enjeux du partenariat patient au temps du COVID-19, Revue de Neuropsychologie, Neurosciences Cognitives et Cliniques, V. 12, N° 2, Avril-mai-juin 2020, pp. 232-237.