Une nouvelle année d’éducation citoyenne en santé

Après près de 3 ans de suspension des rencontres-cinés-débats en salles en conséquence de la pandémie mondiale qui a vu nombre d’activités de ce type migrer sur la toile, l’année 2023 est le temps de la reprise de ces rencontres souvent chaleureuses. Ces activités initiées en 2015 par l’association citoyenne Maison de la Médecine et de la Culture (MMC), associée depuis sa création au Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public (CI3P) en 2020, accompagnent en 2023 l’actualité des débats qui traversent notre société. C’est ce dont traite ce billet de février.

Rappel historique de ces évènements publics

En 2015, une association de citoyens a vu le jour suite à une discussion entre le doyen de la faculté de médecine de Nice, le professeur Patrick Baqué, et un ancien étudiant pair devenu médecin gastro-entérologue en médecine de ville, Jean-Michel Benattar. Ce dernier cherche à proposer un autre enseignement que celui qu’il a lui-même reçu dont il analyse que cela lui a permis d’être un bon technicien, mais pas nécessairement un bon médecin. Le doyen l’a invité à une réflexion sur l’éthique et l’a incité à se lancer dans l’action qui lui apparaîtrait comme la plus pertinente. Jean-Michel Benattar a alors réuni un certain nombre de citoyens niçois, un groupe qui a donné naissance à la Maison de la Médecine et de la Culture (MMC).

L’approche de cette association citoyenne réside dans le partage d ‘une œuvre d’Art à partir de laquelle questionner selon les piliers de l’éthique les grands thèmes de sociétés impliquant la santé qui nous concernent tous individuellement ou collectivement (familles, proches, voisinage).

C’est ainsi que selon l’approche d’éducation citoyenne ont été proposées aux Niçois les premières rencontres-ciné-débats au cours desquels étaient invités des personnalités dans leurs domaine (Céline Lefeve (2012)[1], Irène Frachon (2010)[2], Roland Gori (2008)[3], Philippe Barrier (2014)[4]). Au cours de l’été de cette même année, ce médecin fédérateur d’un groupe de citoyen part à Montréal pour des raisons personnelles. Il en profite pour y rencontre Martin Winckler (2011)[5], un médecin français devenu auteur à succès, et deux français impliqués dans la réforme des études de médecine à la faculté de médecine de l’Université de Montréal dont un est patient chercheur (auteur de ce blog). Il en repart avec la certitude qu’il doit favoriser, à chacun des évènements qui seront programmés, la parole, voire l’expérience des patients.

Les rencontres-cinés-débats s’enrichissent donc de ce nouveau « pilier » alors qu’au cours de cette première année de fonctionnement le département d’enseignement et de recherche en médecine générale (DERMG)  décide de permettre à la Maison de la Médecin et de la Culture (MMC) d’attribuer aux étudiants en médecine qui participent à ces débats des heures complémentaires validant leur cursus de spécialisation, pour cette occasion de se questionner d’un point de vue éthique au-delà d’un entre soi. Lors d’un événement de fin d’année, le patient chercheur de Montréal est invité à un débat sur le thème du prendre soin à l’ère des technosciences et c’est à cette occasion que le germe du Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public (CI3P) sera semé, sans que chacun n’en soit alors conscient.

Après quelques rencontres et une recherche du doyen auprès de la présidence de l’université d’engager l’enseignant chercheur patient, il est décidé de lancer un diplôme universitaire qui sera conçu par l’association citoyenne en partenariat avec le département d’enseignement et de recherche en médecine générale (DERMG) de par la mission donnée au professeur David Darmon directeur du DERMG de prendre la responsabilité académique de cette nouvelle voie. Cette formation conçue en 2017, le DU Art du Soin en partenariat avec le patient débute lors de l’année 2017-2018 et reçoit dès sa première année d’exercice un prix d’innovation pédagogique, décerné par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Prix Passion d’Enseignement et de Pédagogie dans le Supérieur (PEPS 2018) d’innovation en formation tout au long de la vie. C’est à la fin 2018, lors de la remise de ce prix que le professeur David Darmon exprime l’intention d’ouvrir à la faculté de médecine un bureau à l’image de la Direction Collaboration et Partenariat Patient (DCPP)[6] existant depuis 2010 à la faculté de l’Université de Montréal (Boivin et al, 2017)[7].

Deux ans plus tard, le Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public (CI3P), codirigé, comme à Montréal par un tandem de partenariat médecin-patient a vu le jour (Flora, et al, 2020c[8], avec une spécificité Niçoise, cette nouvelle entité était le fruit d’un partenariat privilégié avec une association citoyenne, et une spécificité française, cette association n’est pas une association d’usagers mais de citoyens.

La sphère de développement qui a un temps été nommée UniverCité du Soin (Ghadi et al, 2019)[9], tant pour sa transversalité d’action dans la cité et du fait de l’entrée des citoyens dans la faculté de médecine continue de proposer nombre d’activités, dorénavant sur Nice mais également dans la région la plupart du temps au sein d’actions associant les deux organisations (voir les ciné-débats organisés à Mouans Sartoux, à Roquefort les pins).

Les rencontres-cinés-débats de Nice en 2023

Un débat sur la fin de vie

La MMC et le CI3P réinitient des rencontres-cinés-débats en salles avec le choix de thèmes d’actualité et remplissent les salles. En effet, en cette nouvelle année riche de débats de société, à l’image de la concertation citoyenne sur la fin de vie ou encore de celui sur la réforme de la retraite, issue de la création de la sécurité sociale a été proposée début février, une rencontre-ciné-débat dans une salle de cinéma qui n’ a pu accueillir tous les citoyens désireux de participer à cette 1ère grande rencontre depuis la Pandémie. L’œuvre choisie était motivée avant tout par la programmation des cinémas en France qui a mis à l’affiche en ce début d’année de l’adaptation d’une œuvre cinématographique magistrale, le film « VIVRE », initialement réalisé par le japonais Kurosawa et adapté par le réalisateur sud-africain Hermanus. Ce qui, associé au débat actuel donnait du sens à une rencontre ciné débat sur ce thème.

Les affiches des deux versions du film Vivre, celui à droite du japonais Kurusawa de 1952, celui à gauche d’Hermanus de 2023

Pour l’occasion étaient invités pour animer le débat, au-delà d’un tandem de partenariat médecin-patient impliqués tant à la MMC qu’au CI3P, un professeur de cinéma d’Université Côte d’Azur, Jean-Paul Aubert, le codirecteur du Centre d’Excellence du Partenariat avec les patients et le Public du Centre de Recherche du CHU de l’Université de Montréal (CEPPP), Vincent Dumez qui a pu nous éclairer sur l’application pratique de la Loi sur la fin de vie au Québec, d’un médecin généraliste spécialisé en soin palliatif, le docteur Gary Pommier, une membre de l’association d’accompagnement à la fin de vie JALMALV, et une patiente partenaire avec le CI3P, Marielle Ravot qui venait d’accompagner son frère dans ses derniers instants.

Cet événement, comme nombre des actions d’éducation citoyenne, sont l’occasion pour des étudiants en cinéma ou multimédia d’Université Côte d’Azur de réaliser une captation suivie d’un montage et ou un documentaire, et nous mettrons en ligne à votre disposition le débat dès que celui-ci sera finalisé.

Un débat sur la sécurité sociale… Et la retraite, un élément constitutif de cette création unique

Dans le prolongement de ce premier évènement de l’année est programmé le vendredi 3 mars une rencontre-ciné-débat, cette fois à la faculté de médecine d’Université Côte d’Azur, à partir du documentaire La Sociale de Gilles Perret (2016) qui retrace cette innovation mondiale créée après la seconde guerre mondiale qu’est la sécurité sociale, une fantastique œuvre de partenariat d’un art du Soin au niveau d’une société, un art du soin entre citoyens au-delà de la juste sphère médicale avec la prise en compte de nos ainés.

Une rencontre qui sera animée avec le sociologue économiste spécialiste du sujet, Bernard Friot aux côtés du tandem de partenariat et de nombreux patients étudiants et professionnels engagés dans le partenariat de soin avec les patients.

Une démarche citoyenne qui continue de se développer au-delà de la ville de Nice

Alors que les rencontres-cinés-débats organisés à Mouans Sartoux avec le centre culturel municipal et le cinéma local la Strada, de nouveaux projets se dessinent en 2023 avec un projet à Grasse, ville voisine avec la Communauté PluriProfessionnelle territoriale de santé (CPTS) du pays de Grasse ou encore avec la ville du cinéma de la région, un spot mondial avec son festival, Cannes, ville dans laquelle se trouve le campus cinéma d’Université Côte d’Azur. Une ville où deux évènements sont en préparation à la fin du printemps et début décembre.

Ce savoir-faire de la Maison de la Médecine et de la Culture, avec ou sans le Centre d’Innovation du Partenariat avec les Patients et le Public (CI3P) sera bientôt disponible à partir de l’application mobile de santé Avec P (Patients, Proches, Professionnels de santé, Population).

Une application mobile de santé doublée d’une plateforme numérique initiée par le CI3P grâce au soutien de l’Agence Régionale de Santé Provence Alpes Côte d’Azur (ARS-PACA) à partir de l’idée d’un patient partenaire mobilisé avec le CI3P dans la formation des étudiants, en éducation citoyenne, dans les milieux de soin et au sein de son association d’usagers, l’AFA Crohn RCH, une apps de santé conçue et pensée comme un carrefour d’innovation dans le partenariat qui a pour ambition d’être indépendante avec des contenus portés au sein de l’Apps par les auteurs de ces contenus.

Conclusion

Cette année 2023 sera l’occasion de nouvelles rencontres-ciné-débats, qui ont manqué à leurs organisateurs comme à une partie de la population niçoise si l’on en croit les retour et le nombre de participants à la 1ère rencontre de l’année. Cette année sera également l’occasion de la multiplication des antennes MMC ou des lieux de création d’évènements tels ceux organisés par cette association citoyenne, puis par l’association créée avec l’université en réponse à la responsabilité sociale des facultés de médecine et universités.

Notes et références bibliographiques

[1] Lefeve C. (2012). Devenir médecin, Paris : Presses Universitaires de France.

[2] Frachon I. (2010). Médiator 150mg – Combien de mort ? 1976-2009 Enquête sur une toxicité attendue. Brest : Edition Dialogues.

[3] Gori R. (2008). L’appel des appels : : Pour une insurrection des consciences, Paris : Editions des mille et une nuits.

[4] Barrier P. (2010). Le patient autonome. Paris : Presses Universitaires de France.

[5] Winckler M. (2011). Le chœur des femmes, Paris Gallimard.

[6] Un bureau nommé comme tel en fait en 2013, précédé par un bureau de l’expertise patient partenaire totalement autonome à sa création en 2010.

[7]  Boivin A., Flora L., Dumez V., L’Espérance A., Berkesse A., Gauvin F.-P. (2017).« Transformer la santé en partenariat avec les patients et le public : historique, approche et impacts du “modèle de Montréal”. In « La participation des patients » « vol. 2017, Paris : Editions Dalloz, pp. 11-24

[8] Flora L., Darmon D., Benattar J.-M. (2020). « Le Centre d’Innovation du partenariat avec les patients et le public : un moteur du développement de la culture du partenariat de soin avec le patient, avec les patients et le public en Europe ». La revue sur le partenariat de soin avec le patient : Analyses, N°1, pp. 138-163.

[9] Ghadi, V., Flora L., Jarno, P., Lelievre, H. (2019). The Engagement Conundrum of French Users. In Pomey, Denis, & Dumez (Dir.), (Eds.), Patient Engagement : How Patient-provider Partnerships Transform Healthcare Organizations : Springer International Publishing, pp.199-231.