De l’Art comme ingrédient du Soin : deux Diplômes Universitaires

Cet automne sera l’occasion de proposer pour la cinquième année consécutive la formation menant à un  Diplôme Universitaire à l’Art du Soin en Partenariat avec le patient, une formation primée lors de son lancement par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche comme innovation pédagogique en formation tout au long de la vie.

Une formation qui sera pour la première fois également proposée cette année dans une version accessible à tous, quelque soit le lieu de vie pour peu que le citoyen souhaitant s’engager ait une connexion internet et un ordinateur (PC, tablette, téléphone portable car ce sont tous aujourd’hui des ordinateurs) grâce à une version en distanciel, en ligne. Cette formation initiée du fait de l’intégration d’une action citoyenne portée par l’association Maison de la médecine et de la Culture (MMC) dans une faculté de médecine est conçue à partir d’œuvres d’art pour cheminer dans un art du soin en partenariat avec le patient (Ghadi et al, 2019 [1]; Flora, 2021 [2]). C’est de cet ingrédient aujourd’hui considéré à la lumière des dernières recherches en neurosciences, comme susceptible de révéler une dimension pédagogique et thérapeutique que se développent les qualités humaines intrinsèquement nécessaires, selon nous, à l’Art du Soin. C’est de ce sujet que traite ce billet.

L’ART QUI GUERIT ?

Selon Pierre Lemarquis (2020) [3], un neurologue qui étudie l’impact de l’Art sur notre cerveau, Aristote déjà exposait la qualité cathartique de l’art en expliquant que si nous allons par exemple au théâtre le jeu des acteurs permet de vivre par transitivité leurs émotions et donc de purger nos pulsions (à voir, à écouter l’émission de France Culture avec Pierre Lemarquis).

Or ces observations sont aujourd’hui confirmées par les recherches en neurosciences. L’art peut dans certaines circonstance être considéré selon Pierre Lemarquis, comme un médicament avec des sécrétions de substances du corps humain telles la dopamine, la sérotonine ce que l’on trouve dans les antidépresseurs, un des moteurs de la prescription au Québec de visite de musée par les médecins depuis 2018.

Il peut y avoir des effets également sur la morphine endogène, des hormones qui jouent un rôle essentiel dans l’organisme humain. Ainsi la dopamine agit sur la motricité, ce dont souffrent les personnes vivant avec une maladie de parkinson.

Nous avons à ce sujet eu l’occasion de constater à partir du diplôme universitaire à l’Art du Soin en Partenariat avec le patient, qu’un patient qui vit avec une maladie de Parkinson a amélioré depuis sa participation à cette formation son élocution et réguler certains de ses tremblements. Un effet selon lui du temps passé à nos côtés alors qu’il avait déjà auparavant été opéré et vivait avec un stimulateur électrique régulable suite à l’intervention de l’équipe d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU-GHT de Nice avec laquelle, nous développons une recherche associée à l’équipe de recherche interdisciplinaire en partenariat avec le patient, le groupe CHERPA (Faure et al, 2020) [4].

La dopamine qui, toujours selon Pierre Lemarquis participe à notre élan vital, ce qu’accompagne la formation à l’Art du Soin en partenariat avec le patient. Tout comme le taux de cortisol se réduit lorsqu’un patient vivant avec un diabète est absorbé par une œuvre d’art du fait de cet état cathartique qui nous permet de développer un sentiment empathique  face au personnage de l’œuvre.

Ainsi ces moments de contemplations artistiques nous permettent de percevoir et de ressentir une relation humaine même dans ce cas à partir d’entités qui n’ont rien de biologique.


L’explication neuroscientifique éclaire l’effet des neurones miroirs. Ceux-ci sont liés aux circuits de l’empathie qui expliquent par exemple qu’une chanson puisse vous réconforter. L’Art active également les circuits neuronaux du plaisir et de la récompense qui participent à la stimulation du goût de vivre des être humains, des activités jugées non essentielles au début de la pandémie en France.

Ces récentes découvertes issues de la recherche scientifique n’éclairent qu’une petite partie d’un rapport constitué de 900 articles extrait de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publié en 2019 [5]. Un rapport qui a catégorisé 5 grands axes : les arts visuels, les arts de la scène, la culture que nous pouvons retrouver dans les évènements tels les musées, les festivals…, les arts numériques et la littérature.

Un ensemble de manifestations de l’Art que tant le DU Art du Soin en partenariat avec le patient, le CI3P et l’association citoyenne Maison de la Médecine et de la Culture (MMC) mobilisent dans leurs actions, comme par exemple la participation à la création de nouveaux dispositifs du Soin révélés, par chaque citoyen qui le souhaite, en nous retournant  des œuvres apports identifiés suite à la rencontre d’œuvres d’Art.

Des actions qui sont susceptibles d’impacter tant la psychologie, la physiologie, les dimensions sociales et les comportements  et qui plus spécifiquement touchent ceux qui participent à nos actions. Une piste qui est malheureusement encore trop peu exploitée dans la médecine d’aujourd’hui, une piste que préconise pourtant l’OMS.

Les recommandations de l’OMS sur la place de l’art dans les politiques de santé

Le rapport de l’OMS formule plusieurs recommandations à l’intention des décideurs dans le secteur de la santé ou en dehors concernant les politiques à mener.

  • Veiller à ce que des programmes « d’art pour la santé » existent et soient accessibles au sein de la communauté ;
  • Aider les organismes artistiques et culturels à intégrer la santé et le bien-être dans leur travail ;
  • Promouvoir une sensibilisation du public aux bienfaits potentiels de l’art pour la santé ;
  • Inclure les arts dans la formation des professionnels de santé ;
  • Introduire ou renforcer les mécanismes par lesquels les établissements de santé ou d’aide sociale prescrivent des programmes ou des activités artistiques ;
  • Investir dans des études supplémentaires portant en particulier sur un recours accru à des interventions dans le domaine de l’art et de la santé, et sur l’évaluation de ces dernières.

Des pistes, qui sont aujourd’hui, développées par le Centre d’Innovation du Partenariat avec les patients et le Public (CI3P) au cœur et depuis la faculté de médecine de l’Université Côte d’azur, par la Maison de la Médecine et de la Culture (MMC) dans la ville de Nice et alentour et dans une certaine mesure par le Centre National Ressources et Résilience (CN2R) sous diverses formes déjà opérationnelles et à venir.

CONCLUSION

Après avoir initié un courant à partir de constatations empiriques, nous sommes confirmés dans notre action empreinte d’intuition et d’observations à l’Art du soin en partenariat avec le patient. Empreint d’une esthétique de la vie dans un processus de recherche de la santé quelque soit la situation de vie dans la pratique d’un Art du soin qui ne soit pas le seul apanage de la médecine, qui entre de plein pied par la connaissance de soi et la rencontre, dans le vivre ensemble des êtres sociaux que nous sommes. Une offre existe aujourd’hui accessible tant à Nice que sur la planète francophone à travers les deux formations  à l’Art du Soin en partenariat avec le.s patient.s et les proches sur la base de cette approche développée ces dernières années.  

Une offre qui, si elle mobilise les œuvres d’Art, ne consiste pas en de l’Art thérapie. Il s’agit plutôt d’une mobilisation de l’Art pour ce qu’il nous touche, ce qu’il nous impacte, par les nombreux effets aujourd’hui identifiés par les neurosciences dont certains sont éclairés par Pierre Lemarquis, dans notre humanité pour ensuite la mobiliser dans nos pratiques. Que ces attitudes et pratiques le soient pour soi,  pour le soin de soi, pour la gouvernance de Soi et des autres (Foucault, 2008) [6], tant pour autrui qu’au service de l’organisation ou la réorganisation du et des soins à donner à soi ou à autrui.

INFOS +

S’informer sur les contours des deux formations


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES



[1] Ghadi, V., Flora L., Jarno, P., Lelievre, H. (2019). The Engagement Conundrum of French Users. In M.-P. Pomey, J.-L. Denis, V. Dumez (Eds.), Patient Engagement : How Patient-provider Partnerships Transform Healthcare Organizations : Springer International Publishing, pp.199-231

[2] Flora L. (2021) « Reconnaissance des savoirs expérientiels des patients et coproduction de savoirs de soins avec les patients et les citoyens au 21ème siècle » in «  Les défis du décloisonnement : Innovations organisationnelles en santé, Londres : ISTE éditions, pp. 27-50.

[3] Lemarquis P. (2020). L’art qui guérit. Paris : éditions Hazan, Hachette.

[4] Faure S., Halloy A., Karcher B., Flora L., Colazzo G., Barbaroux A., Balez E., Bonardi C.(2020). « Polyphonies sur les enjeux du partenariat patient au temps du COVID-19, Revue de Neuropsychologie, Neurosciences Cognitives et Cliniques, V. 12, N° 2, Avril-mai-juin 2020, pp. 232-237.

[5] Fancourt D., Finn S. (2019). Rapport de synthèse n° 67 du Réseau des bases factuelles en santé, Genève, Organisation mondiale de la santé.

[6] Foucault M. (2008). Le gouvernement de soi et des autres : cours du collège de France : 1982-1983, coll. Hautes Etudes, Paris : Gallimard/Seuil.