Quand les vécus, apprentissages et savoirs expérientiels individuels fabriquent des communs, la voie biographique peut-être source d’empreinte utile !

Les évènements de ce printemps 2019, ne m’ayant pas donné le temps de revenir sur une des publications parues en avril, ce billet en sera l’occasion. Après l’accent donné à la littérature pour questionner le soin, l’approche dans le domaine de la santé, à travers l’émotion que génère l’œuvre artistique et la réflexivité qu’elle permet par la rencontre tant de soi que d’autrui et surtout de la nature des relations, de la relation de soin avec l’ouvrage de Maria Jesus Cabral et Marie-France Mamzer Médecins soignants Osons la littérature (2019) [1].

Après le billet de blog de mai sur le 1er sommet sur le partenariat avec les patients organisé à Montréal début mai, cette fin de saison printanière est consacrée à la trace biographique à travers les parcours spécifiquement construits sur l’expérience humaine issue du vécu de l’épreuve de la vie avec la maladie. Une épreuve dont certains, dont je fais partie, l’estiment pouvant être initiatique, avec l’émergence d’épisodes nécessairement autodidactes (Jouet et al, 2010) [2].

 

 

INTRODUCTION

 

Si de nombreuses connaissances ont porté sur la ou les maladies (Mukherjee, 2013 [3]; Blech, 2005 [4]; Sarradon-Eck, 2000 [5]; Baric 1983 [6]; Lacroix et Assal, 1998 [7]), parfois mêmes jusqu’à être honorées (Charon, 2006) [8], une connaissance dont certains expliquent qu’elle sert aux médecins et aux professionnels de santé (Carriburu, Ménoret, 2004) [9], l’expérience vécue du malade et les savoirs reste à découvrir. Une richesse encore largement méconnue, et ce même si elle est quantifiée (Coulter, 2011 [10]; Boivin et al, 2017 [11]), et donc si peu mobilisable. Qu’est ce qui s’en dégage ? Qu’est ce qu’elle peut apporter aux autres formes de savoirs ? Dans leurs formes ? Leurs rythmes ? Leurs modes d’appréhension et de compréhension ? Pour quel investissement ? Comme par exemple pourrait elle être dans la relation de soin de soi, de soin de l’autre ou de soin des autres ? Ne serait-ce que dans la quête de sens. Un univers à éclairer telle la partie immergée d’un iceberg.

 

CONTENU DE L’OUVRAGE

 

L’ouvrage ici présenté propose une exploration de cette partie encore largement méconnue croisant les approches narratives, biographiques et cliniques pour tenter de les éclairer. Elle peut passer par une mise en intrigue en empruntant bien des voies, des chemins de formation singuliers et toutefois utiles au delà de ce singulier. Elle peut permettre de mieux comprendre ce que peut être la condition humaine.

Les textes de ce numéro de chemins de formation au fil du temps se penchent ainsi sur le travail réalisé par des patients comme auprès de malades dans le champ de l’éducation thérapeutique, de la médecine narrative et de la recherche en santé. Ils analysent différentes formes de récits mobilisés dans des situations d’accompagnement entre sujets, patients, praticiens, professionnels de santé cliniciens. Ils invitent, en différenciant trois axes distincts, à penser les dispositifs de reconnaissance des savoirs expérientiels du patient et leur prise en compte dans les ingénieries de formation des acteurs de la santé, qu’ils soient professionnels de la santé, patients, proches ou tous réunis au sein des mêmes ingénieries de formation comme c’est par exemple le cas dans la maitrise de recherche en ligne d’éthique clinique (Master Européen), option partenariat patient de la faculté de médecine de l’Université de Montréal au Québec, dans la formation menant au diplôme Universitaire Art du Soin en partenariat avec le patient de la Faculté de médecine de Nice Sophia Antipolis, Université Côte d’Azur, ou dans de plus en plus de formations en éducation thérapeutique du patient (ETP) en de multiple lieux en France ou encore à l’Université des patients de la Faculté de médecine Pierre et Marie Curie de Sorbonne-Universités (Flora, 2013) [12].

Plusieurs points de vue y sont donc présentés, celui ou ceux qui font l’expérience de la vie avec la maladie, y compris à la première personne, celui des professionnels de la santé et des chercheurs avec parmi eux un article de Pierre Dominicé, professeur émérite, qui interroge de manière critique certaines logiques de la médecine contemporaine qui peuvent tendre à justement réduire le patient à sa pathologie.

CONTRIBUTION

 

C’est dans cet ensemble que la contribution de l’hôte de ce blog s’insère. Elle présente un parcours qui a permis de traverser des mondes inconnus jusqu’alors, de se projeter du soin de Sa santé à celui du soin de La santé, jusqu’à proposer ce qui peut être considéré comme un projet de société à partir d’une expérience fondatrice mise à jour et explicitée dans un processus réflexif.

Une œuvre de réflexivité qui ensuite donné lieu par étapes, au dépassement de frontières tant géographiques, qu’intérieures, intersubjectives, que de formes de connaissance et de savoirs. Une expérience qui a permis de participer à des transformations majeures d’un système de santé, et pourquoi pas dans les années à venir de systèmes de santé pour une autre qualité de soin que celle explicitée par Pierre Dominicé qui avait été sollicité à une étape de ce processus au moment de la soutenance de thèse.

 

Conclusion

 

Souhaitant que cet ouvrage éclaire comme il le prétend les espaces de connaissance à défricher, que ceux qui s’aventureront à le lire trouveront matière à transformer ou se transformer comme le signifie Le Clézio lorsqu’il rappelle :

« Que la littérature est le moyen de se connaître soi et de découvrir l’autre. Seuls ceux qui ne lisent jamais imaginent que lire est une activité solitaire. On n’est jamais seuls quand on lit. On se retrouve reliés à mille autres, à mille mondes. ». [13]

Et ce même si l’ouvrage présenté a une prétention scientifique, a sens d’apport de connaissance ici à partir de récits, narration parfois autobiographique ou sous d’autres formes biographique et non pas littéraire. Quelque soit le lecteur qui s’y aventurera, il fera certainement une expérience de l’altérité et en cela, ce numéro de revue mérite d’être publié.

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Cabral M., Mamzer M.-F.(Dir) (2019). Médecins, soignants osons la littérature : un laboratoire virtuel pour la réflexion éthique. éditions Sipayat.

[2] Jouet E., Flora L., Las Vergnas 0. (2010). « Construction et Reconnaissance des savoirs expérientiels des patients ». Note de synthèse du N°, Pratique de formation : Analyses, N°58/59, Saint Denis, Université Paris 8, pp. 13-94, p. 67.

[3] Mukherjee S. (2013). L’Empereur de toutes les maladies : une biographie du cancer. Paris : Flammarion.

[4] Blech, J. (2005) : Les inventeurs de maladies. Manœuvres et manipulations de l’industrie pharmaceutique, Paris, Actes Sud (Babel).

[5] Sarradon-Eck A., S’expliquer la maladie. Une ethnologie de l’interprétation de la maladie en situations de soins. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion

[6] Baric, L. (1983). « Éducation pour la santé et préventions des maladies coronariennes ». Monographie européenne de recherche en éducation pour la santé, n°1, pp. 33-133.

[7] Lacroix A. et Assal J.-P. (1998), L’éducation thérapeutique : Nouvelles approches dans les maladies, Paris : Vigo.

[8] Charon R. (2015), Médecine narrative : Rendre hommage aux histoires de maladies, (Traduit de l’ouvrage anglais publié à Oxford University press en 2006), Paris : Sipayat.

[9] Carricaburu D.et Ménoret M. (2004). Sociologie de la santé, Paris : Armand Collin, p. 95

[10] Coulter A. (2011). Engaging patients healthcare. University of Oxford, UK, Open University Press.

[11] Boivin A., Flora L., Dumez V., L’Espérance A., Berkesse A., Gauvin F.-P. (2017). « Transformer la santé en partenariat avec les patients et le public : historique, approche et impacts du modèle de Montréal  ». Vol. 2017, Paris : Editions Dalloz, pp. 11-24, p. 12.

[12] Flora L. (2013), « Savoirs expérientiels des malades, pratiques collaboratives avec les professionnels de santé : état des lieux », Education permanente, N°195, pp.59-72.

[13] Article dans le journal du dimanche du 28 avril 2019 « entretien avec Le Clézio »

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